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24 avril 2021

L'émigration outre-mer au XVIIIe siècle

Dans notre nouveau bulletin, vous suivrez la trace de protestants qui ont pris la route vers de nouveaux horizons. Dans son article, l’historien Dominique LAMBERT DE FONTENILLE dresse un large panorama de l’émigration vers les pays d’Outre-mer au XVIIIème siècle. Nous vous proposons de découvrir un extrait de cet article sur notre site Internet.


Un des aspects encore fort méconnus du grand public sur l'histoire coloniale française en Amérique demeure celui de l'émigration, aux 17e et 18e siècles, de plusieurs dizaines de milliers de personnes originaires de différentes provinces du royaume de France vers les colonies françaises d'outre-Atlantique et plus particulièrement celles des Antilles.

Au XVIe siècle, les expéditions de Jacques Cartier au Canada restent sans lendemain ainsi que les tentatives infructueuses de colonisation en Floride et au Brésil, émanant principalement d'initiatives privées de huguenots. Au siècle suivant, la colonisation française en Amérique s'effectue par deux autres voies de pénétration, les Antilles et le Saint-Laurent. L'Acadie est créée en 1604 et Samuel de Champlain fonde, en 1608, la ville de Québec. Depuis l'île de Saint-Christophe, aux Antilles, les français prennent possession en 1635 de la Guadeloupe et de la Martinique et les mettent rapidement en exploitation pour les cultures tropicales ; le tabac au 17e siècle, le sucre au siècle suivant et la culture du café et du coton à la fin du 18e siècle. Depuis la fin du 17e siècle, l'essor des grandes plantations sucrières, recourant de plus en plus au travail d'esclaves noirs, aura pour conséquence de rendre très rapidement minoritaire la population blanche. Depuis l'île de la Tortue, véritable repaire de flibustiers et de boucaniers, située au nord-ouest de l'île d'Hispaniola, qui prendra le nom de Saint-Domingue, l'implantation française sur ce territoire s'est effectuée de façon progressive au cours du 17e siècle au détriment des espagnols qui délaissent la partie occidentale de l'île au fur et à mesure de l'épuisement des gisements d'or. Au terme de la guerre de Sept Ans (1756-1763), la France cède à la Grande-Bretagne le Canada et la partie orientale de la Louisiane et à l'Espagne la partie occidentale.

Le choix stratégique de conserver les « îles à sucre » (la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Domingue) au détriment des étendues de la Nouvelle-France n'est pas neutre, particulièrement pour Saint-Domingue, surnommée au 18e siècle, la « Reine des Antilles » ou « la Reine des Iles à sucre ». Elle tire sa richesse des cultures tropicales qui lui procurent des profits substantiels par l'exportation de ses produits et à une nombreuse population sur un territoire exigu, comparé aux autres colonies européennes couvrant des surfaces étendues. Saint-Domingue produit et exporte plus de sucre et de café que toutes les îles anglaises et espagnoles réunies. En fournissant les trois-quarts du sucre mondial et les deux-tiers du café, elle est, à l'aube de la Révolution française, la plus riche colonie du monde et celle qui verse à sa métropole les revenus les plus considérables. D'autant que cette dernière, en réexportant dans toute l'Europe les produits tropicaux en provenance de ses colonies, en retire également de larges profits.

De façon générale, les migrants partent chercher fortune aux « Iles ». Cette appellation qui désignait, à l'époque, les établissements français d'Amérique, qu'ils soient insulaires ou continentaux, sera reprise tout au long de cette conférence pour les qualifier. Chacun migrant a sa propre histoire, ses propres raisons de quitter, momentanément ou définitivement, son terroir d'origine. Ainsi, pour la majorité des partants, il s'agit d'améliorer une situation pauvre ou médiocre, ou de maintenir un niveau social pour les divers membres des familles aisées. Des contraintes entraînées par les partages successoraux dans des familles trop nombreuses peuvent inciter les cadets à partir. Les conjonctures économiques, sociales et climatiques peuvent contraindre des « gens de la terre » à se retrouver dans la précarité suite à de mauvaises récoltes successives et d'un endettement chronique. Il en est de même pour les artisans qui, confrontés à la concurrence, sont obligés de vendre leur atelier ou de le voir saisir et, par conséquent, devenir ou redevenir ouvrier.

Des créanciers à fuir, trouver un emploi mieux rémunéré, une pacotille à vendre, faire du commerce, une garnison à rejoindre... Les causes de départ sont multiples. Tous recherchent un bon placement en quête d''une vie, d'un avenir meilleur. La perspective offerte à un migrant de faire fortune, par son travail et son courage, dans une société en cours d'édification, peut être rapidement récompensée là où il aurait fallu plusieurs générations d'efforts pour le même bénéfice en métropole. Pour lors, bien des occasions de partir, pour toujours ou pour quelque temps, s'offrent aux jeunes gens d'esprit aventureux. Les conditions économiques ne sont pas les seules sources de motivation au départ. L'activité portuaire de Bordeaux tournée vers le Nouveau Monde attire des candidats qui veulent tout simplement changer d'air….
 
Dominique LAMBERT DE FONTENILLE
Descendant d'une famille protestante des origines, auteur de nombreux articles sur l’émigration protestantes dans le Lot garonne vers les Caraïbes, a publi « Pays de Duras aux Amériques » paru en 20219.
 
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POUCHIN Florentine
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